Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Le Chant du possible

Écrire le jazz

Il y a une histoire du jazz. Il y a aussi une histoire de Jacques Réda avec le jazz, une rencontre amoureuse sans laquelle son œuvre ne serait pas celle qu’elle est. Un art qui puise aux sources d’une douleur à laquelle le blues a donné forme humaine et dont l’essence serait de renverser la pente malheureuse dans une grâce et une énergie bondissante, surgies non par hasard mais par surprise, à un moment donné : voici sans doute ce qui irrigue mystérieusement une écriture et une vie.

Il faut avoir été surpris soi-même par cette musique, par cette déflagration d’une immédiateté, et ceci, précisément, au moment donné où se croisent l’heure de l’adolescence et celle de la Libération pour en avoir été ainsi éclairé. Le swing, cette « qualité particulière qui se dégage et ne peut se dégager que d’un rythme à deux ou quatre temps où l’accent se porte sur le temps faible », est sans doute au cœur de cette rencontre : une ouverture, une brèche inespérée dans l’armure de celui qui toujours, on dirait, nous tient en esclavage : le temps.

Le Chant du possible prolonge et augmente les essais déjà célébrés d’un poète dont les spéculations ne cèdent rien à une connaissance intime et devenue comme familière des musiciens et de leurs trajectoires : Jacques Réda a vécu, pensé, dansé à leur côté, au point que les proses ou les vers qu’il leur a consacrés les accompagnent à leur tour et, pourquoi pas, font désormais partie de cette infinie jam-session qui serait l’histoire du jazz. Ces essais, à l’égal des séances que le vinyle nous a conservées, ont saisi au vol une magie éphémère, quelques fragments à la surface d’un continent désormais englouti.

« Je me suis constitué, après plus de trois quarts de siècle, un petit trésor de méconnus et d’oubliés où je puise et que j’augmente avec le même intact ravissement. », écrit-il. À côté des grands noms du jazz, c’est ce petit trésor que nous proposons à nos lecteurs de découvrir avec le même ravissement.

Les douze textes constituant ce livre portent les titres suivants :

  1. Au moment donné 
  2. Le chant du possible
  3. Jabbo Smith
  4. Une légion d’anches
  5. Johnny Hodges
  6. Écrire le jazz
  7. Lester Young ou L’ironie du saut
  8. Now’s The Time ou Le temps selon Charlie Parker
  9. Note complémentaire à propos de Teddy Wilson
  10. Les stūpas de Thelonious Monk
  11. Une actualité permanente ou Le champ du possible
  12. Cadence

Jacques Réda

Jacques Réda est né à Lunéville en 1929. Membre du comité de lecture des éditions Gallimard, il a dirigé La Nouvelle Revue française de 1987 à 1996. Poète,

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