Les textes assemblés dans ce livre sont brefs, et cette brièveté relève d’un geste ou d’un ethos qui pourrait les apparenter à celui du calligraphe ou de l’archer. À rebours de la logorrhée insipide qui submerge les Lettres. D’une densité et d’une beauté fulgurante, ils procèdent très exactement de ce dont ils traitent : d’une apparition. Leur objet n’est rien moins que la fragilité de notre sentiment d’être au monde, le primordial étonnement qui tout à la fois le fonde et s’en nourrit. Et le désir de rejoindre la profusion des formes et des matières auquel sourdement il s’accorde. L’esthétique qui se dessine alors vient fondre toute réflexion en mouvements, rythmes, images : « Le concept peut bien avoir quitté les arts, il n’y a jamais été chez lui, mais eux, qui sont ce va-et-vient pris à l’origine, détiennent les clés de toute pensée. »
Les « essais » rassemblés ici mêlent souvenirs et spéculations devant les œuvres et devant la vie : la crypte de la cathédrale d’Auxerre, des frontons basques, l’enterrement d’un grand-père, des ruines aimées, de fantomatiques études à Salamanque, l’or des années lointaines. Dans les pages de ces Tientos, épars, ils se tiennent, dans la cadence et dans la grâce.
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« Représente-toi ce que cela veut dire, mourir : n’avoir jamais été. » Attrapée je ne sais où, enfant, dans un livre qui ne m’était pas destiné, cette phrase m’a imprimé par viol le sceau de la Ténèbre — mais encore, et comme un contrecoup, de tout ce qui vient et qui subsiste.
I. S.