Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

La Belle Saison

Léon Paul Fargue & Valery Larbaud ; H.J.-M. Levet ; Francis Jammes ; Paul-Jean Toulet

PRINTEMPS 2017 :
Quatre livres, chacun sous étui, réunis sous bandeau.

1

Larbaud et Fargue, en vertigineuse Conversation dans une limousine qui le 2 mars 1911 les emmène, de Saint-Etienne vers Montbrison, visiter les parents de H. J.-M. Levet, font resurgir avec une acuité bouleversante, à travers le kaléidoscope des souvenirs, le monde aboli du Montmartre de leur jeunesse. Ayant jusqu’à ce jour servi de préface aux éditions des poèmes de Levet, ce dialogue lyrique est enfin donné ici pour un poème à part entière, libre aussi bien de n’introduire qu’à ses propres sortilèges. 

2

Sonnets torrides prête son titre aux dix « Cartes postales » de Levet, chef-d’œuvre miniature merveilleusement secret qui passera de main en main pour enjamber le désert des années, faisant l’objet de rares rééditions depuis leur première publication en 1921, et n’avait jamais paru séparément en volume. Alliant à un chant de la plus délicate sensibilité la mélancolie d’une inflexion désabusée, la voix de ce voyageur sentimental annonce celle du Larbaud des Poésies de A. O. Barnabooth.

3

J’aime dans le temps Clara d’Ellébeuse, choix de poèmes de l’Angelus de l’aube à l’Angelus du soir de Francis Jammes, illustre la vocation anthologique de la Bibliothèque. Ce bouquet rassemble surtout des pièces dans lesquelles, autant qu’en sa modalité spatiale, l’exotisme (dépaysement dont l’industrie du tourisme et ce qu’on nomme le « village global » ont ruiné le loisir) s’insinue dans l’expérience du temps : celle d’un autrefois où les jeunes filles des anciens pensionnats sont plus lointaines que les rivages d’Ophir. La nostalgie, ne l’oublions pas, est un mal du retour sans remède.

4

Coples, partie des Contrerimes dont le texte paraît pour la première fois seul en volume, clôt cette série inaugurale par l’art si suggestif et ému de celui que Borges appelait l’Omar Khayyam français : Paul-Jean Toulet. Art porté à un de ses sommets, il dispense en un sourire triste l’essence précieuse dont quelque ami inconnu, peut-être, prolongera pour lui seul, aux époques lointaines, les mystères et le charme