Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Au fond de la couche gazeuse

Comme on s’informe des moeurs et usages d’une colonie animale en observant à bonne distance ses foyers d’attroupement, ses circulations saisonnières, ses activités significatives, il est indispensable d’examiner l’état actuel de la collectivité humaine et l’esprit qui l’anime en tâchant de se projeter, autant que possible, en dehors ou au-delà de ce « Dôme » d’ondes électromagnétiques qui la retient captive (à plus de sept milliards se gênant d’être entassés là sans issue). Et tout autant d’essayer de saisir ce qui se tient comme pensées et sensations frustes derrière l’expression neurasthénique de ceux que l’Âge numérique a assujetti à ses écrans.

Des observations, des relevés sur le motif ou encore des sondages pensifs dans ce qui subsiste d’âme ont été recueillis au cours des années 2011 à 2015 du calendrier grégorien. Quelques saisons après la publication de La Vie sur Terre donc, au cours desquelles le bruit de cataracte au loin s’est amplifié sensiblement au milieu des crues et dévastations physicochimiques, des foules déplacées au gré des pénuries et massacres, des frustrations exacerbées, des pandémies et de la peur qu’elles entretiennent sous l’œil des engins aéronautiques et des caméras de surveillance un peu partout.

Un défaut généralisé d’attention à tout ce que l’opulence offre à ses victimes, les substances psychostimulantes et la pornographie comme exutoire, la mise à l’index de la nostalgie ou le dégoût des impressions obscures qui affleurent sous le vernis de l’excitation intensive sont devenues l’apanage de ces Nibelungen des temps de la fin, prêts à se jeter, entraînant avec eux tout l’or de la vie, dans les brasiers de la dernière techno-party mondiale où ils feront les figurants. 

& quand l’expansionnisme, par l’avènement de son règne universel, de son millenium nous assure-t-il, sera venu à bout d’avoir tout dévoré, tout extrait et tout foré à grandes profondeurs, d’avoir tout épuisé du bien-fonds de la Terre, & venu à bout de toutes ses fécondités, il nous quittera tout soudain pour regagner les ténèbres d’où il était venu à notre grand inconvénient, et rentrer chez lui au royaume d’Ahriman, nous plantant là stupéfaits et incapables, sans se soucier de nous prévoir à dîner parmi les excréments de béton et de déchets ultimes.

B.d.B.

Baudouin de Bodinat

Baudouin de Bodinat est l’auteur de La Vie sur Terre, publié aux éditions de L’Encyclopédie des nuisances.  Aux éditions Fario il a publié :  Eugène Atget, poète

Lire la suite »