La ruine lente, les craquements, les pourritures. Ce qu’elles abritent de vent et d’eau croupie, parfois de lumière aussi. Le temps œuvre et dilapide, mine lentement. L’âge déconcerte aussi les arbres. Ils vivent, croissent, puis soudain penchent, lentement s’écroulent, démantelés de l’intérieur, fissurés par les années, ou bien tranchés, abattus franc, dans la hâte des scies, des haches.
Peu de formes du vivant, si l’on y songe, incarnent aussi éloquemment les âges successifs de la vie : jeunes pousses, adolescents graciles, sujets de pleine maturité, ancêtres chenus. Ce sont ces derniers surtout qui habitent ce recueil de Mary-Laure Zoss.
On parlerait ici imprudemment de métaphore. On ne sait plus trop comment circulent ici la voix, l’image, ni dans quel sens. Ce serait plutôt comme un même murmure entremêlé, celui des vieux fûts qui dialoguent encore avec le ciel, de la vie en nous plus ou moins accordée à ses destins – une heure, un lieu –, du verbe qui croît ou s’exténue.
Forêt de la langue, clairières au creux de soi issues de coupes claires où s’élèvera demain la sève, la nouvelle, vastes houppiers aperçus dans le lointain, minces ramures effleurant la phrase, copeaux, sciure de nos présences à même la terre qui nous est échue.
savoir ainsi, sans rompre le fil, être à même de s’aliter dans sa propre dépouille, accompagner d’un seul tenant la mue ;
n’ayant rien à envier à ceux-là qui se prêtent sans gémir à la chute ; retraits sous leur émiettement – seuls visibles désormais, les passereaux travaillant à fouir les résidus ligneux, fatiguant la terre et le faisceau pourrissant des nervures ;
quelle voix pour tirer de l’oubli – brusquement leur ombre par de mauvais chemins déversée, enchevêtrée aux cloisons d’herbe, aux haies d’orties – ce qu’ils déploient d’une durée où reprendre haleine ; quelle voix pour s’essayer à plus lente prosodie
M.L. Zoss