Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Sur Pierre Michon de Jean-Claude Pinson

Pierre Vinclair

En relisant récemment les Vies minuscules, j’ai été frappé, notamment dans la « Vie de Georges Bandy », par la façon dont Pierre Michon se met en scène, aspirant écrivain velléitaire, ambitieux mais impuissant, paralysé par une théologie de la littérature (dont on peut sans doute attribuer l’origine au Romantisme allemand) qui fait — plus profondément que le hasard des rencontres — le cœur du parallèle avec l’abbé dont traite le chapitre : dans le monde abandonné par un Dieu, c’est à la constitution d’une œuvre littéraire que l’individu pourrait valoir son salut. À suivre la logique (proustienne ?) des Vies minuscules, qui se présente comme le parcours — jalonné par des figures plus ou moins familières — de son auteur jusqu’à ce qu’il soit enfin capable d’écrire le livre qui raconte ce parcours même, il semble que Pierre Michon ait dû abandonner cette théologie paralysante de l’œuvre, pour pouvoir enfin parvenir à écrire — et en condamner l’absurdité. Pourtant, par un paradoxe lui aussi proustien (l’œuvre est l’objet du plus haut fétichisme des « célibataires de l’art » dont elle est pourtant la ferme condamnation), on se rapporte de plus en plus au travail de Pierre Michon comme à une Œuvre presque sacrée : comme si la lucidité imparable de la « Vie de Georges Bandy » n’avait été que vaine coquetterie.

Dans Sur Pierre Michon. Trois chemins dans l’œuvre, Jean-Claude Pinson propose une perspective philosophique sur l’œuvre de Michon qui a, entre autres, le grand mérite de préférer l’objectivité analytique aux superlatifs de la critique célibataire : « Me penchant sur l’œuvre de Pierre Michon, je me suis efforcé, autant que faire se peut, de tenir à l’écart les raisons personnelles et préférences subjectives (au plan littéraire) qui font que j’ai pour cette œuvre une affection toute particulière. » (p. 15). Et il est vrai que les trois chemins (et demi) tracés par Jean-Claude Pinson ont le grand mérite d’être problématiques, et non hagiographiques : il s’agit toujours de mettre en relief une difficulté conceptuelle (relative au sacré, à l’amour, à la phrase), pour voir comment les livres de Pierre Michon s’y logent, l’exploitent, ou y trouvent forme de solution. 

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Sur Pierre Michon

Des comprimés de magie » — c’est la belle formule par laquelle Giono qualifiait les Sonates de Scarlatti. De plus puissants, ajoutait-il, je n’en connais pas, « ni qui, d’un si

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