Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Portes ouvertes sur Freud. James Strachey et Michel Gribinski

Bernadette Ferrero-Madignier et Jean-Yves Tamet

[…] L’ouvrage est imposant, mais le lecteur curieux aura l’occasion de manifester son esprit vagabond car il ne peut parcourir ses 700 pages que sur le mode d’une flânerie. Le livre nous contraint à abandonner les usages habituels de lecture — ni suivi chronologique, ni ordre alphabétique — au profit d’une méthode qui invite à emprunter le chemin ondoyant des associations…

Tout d’abord, un mot sur James Strachey : dans ses Lectures et portraits, D.W. Winnicott1  a rendu sensibles ses qualités d’Englishman. Issu d’une famille riche en nombreux intellectuels, il fut cofondateur du Bloomsbury Group avec Virginia Woolf, avec le biographe-essayiste Lytton Strachey et l’économiste John Keynes. Quelques mois après avoir épousé Alix Sargant-Florence, Strachey part à la rencontre de Freud auprès de qui il a été introduit par Ernest Jones sous l’angle de son vif désir de devenir analyste et de son envie de traduire les textes psychanalytiques : il avait en effet déjà dans ses bagages la traduction de Psychologie des masses et analyse du moi. Ses rencontres avec Freud furent souvent prolongées par des discussions sur la traduction au point que Winnicott les évoquera comme étant « à mi-chemin entre une analyse et une conversation ».

Deux ans après sa mort, Anna Freud lui rend, à son tour, un vif hommage dans l’International Journal où elle souligne « qu’il ne doit pas être aisé pour un homme de renoncer à ses buts personnels pour s’immerger complètement dans l’oeuvre d’un autre. ». Puis elle met en lumière le fait que « Strachey a fait apparaître au public anglophone l’ensemble du monde conceptuel de la psychanalyse, en étendant le langage existant pour accueillir quand il le fallait des notions neuves, mais en maintenant toujours une ligne d’équilibre entre la création d’une terminologie technique précise… indispensable… et l’expression de pensées complexes en des mots simples ». Ainsi la Standard Edition est-elle bien le produit de ces deux activités, celle du traducteur et celle du commentateur. Et selon Anna Freud : « Le lecteur perçoit le souci que le traducteur a eu de faire entendre le texte original tout en l’amenant à entrevoir les séquences logiques et les liens historiques qui seraient autrement passés inaperçus, peut-être dans certains cas, inaperçus par Freud lui-même. »2

 Cet ouvrage nous permet donc de lire en français un appareil critique sans équivalent où chaque texte de Freud est présenté, annoté et mis en perspective avec rigueur, clarté et simplicité : il ouvre vers une nouvelle possibilité d’approche des textes freudiens. James Strachey, souligne M. Gribinski, « possède cette sorte d’élégance qui consiste à ne pas se faire remarquer… L’objet de la transmission demeure intact après son passage… » Freud reste donc in fine au lecteur, lequel n’est en rien soumis à une obligation de penser comme son commentateur. […]

Lire l’ensemble de l’article sur le site Les enfants de la psychanalyse.

Portes ouvertes sur Freud

James Strachey, traducteur de la très fameuse Standard Edition, version anglaise des œuvres complètes de Freud, a accompagné son geste d’édition d’un appareil critique inégalé — introductions, notes, documents — qui fait aujourd’hui référence. Ce sont ces belles et rigoureuses « portes ouvertes sur Freud » que Michel Gribinski livre pour la première fois en français. Il ne s’est pas arrêté à la traduction et offre pour chaque livre ou article de Freud introduit par Strachey un texte de commentaire, d’investigation, et surtout d’invitation à la lecture. L’apport remarquable de cet ouvrage tient également à un regroupement non chronologique du corpus freudien :  un classement thématique en quatre parties en redessine les lignes de

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