Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

La Campagne perdue de Gustave Roud

Sophie Creuz

« Campagne perdue », une forme d’adieu

[…] Gustave Roud est âgé quand il écrit ce recueil qui rassemble en peu de pages, cinquante ans d’une existence passée dans la contemplation des champs, à parcourir les vallées, à se perdre dans des ciels immenses alors même que sa vie est minuscule. Il vit avec sa sœur dans la ferme de ses grands-parents, c’est un lettré, critique et traducteur des romantiques allemands, mais c’est un homme seul, qui vit en lisière des autres. Un grand marcheur, qui a ce talent rare de rendre éloquentes les traces d’un renard dans la neige, ou d’accompagner l’arrondi d’une colline ou l’épaule d’homme fauchant les blés au soleil d’été. Tout chez lui est désirant. Car il aime secrètement, chastement et pour lui-même ces hommes, ces paysans aux torses nus. Tout au long de sa vie, il va se choisir un compagnon de pensée, Olivier ou René à qui s’adressent ces promenades silencieuses.

« À moi seul je ne puis animer un spectacle. Il faut une présence. »

Contempler un paysage ne peut être parfait que si on peut le partager avec un autre, aussi Gustave Roud saisit-il, dans ce qui s’offre à son regard, cet autre : homme, fleur ou animal pour entrer avec lui dans l’image.

C’est ce qui bouleverse ici, la solitude à bas bruit qui marche, comme Robert Walser marchait aussi, en marge d’un tableau animé dont il fait à peine partie, car il traverse cette belle campagne mais ne le façonne pas, contrairement aux paysans qui sculptent cette terre à leur main. […]

Écouter ici l’intégralité de la chronique de Sophie Creuz.

Campagne perdue

Dans ces textes datés de 1919 à 1969, Gustave Roud marche. Il hante tout autant qu’il l’explore le paysage ouvert dans les collines du Haut-Jorat qu’il

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