En quatrième de couverture, le livre est présenté comme « un cabinet de curiosités » : c’est juste, à la fois pour son aspect de collection, une suite de 68 textes en prose d’une à quelques pages, et pour sa façon d’entretenir la surprise du lecteur qui se demande à chaque fois quel sujet sera abordé et quel travail littéraire sera mis en œuvre. Pourtant, « cabinet de curiosités » renvoie aussi à l’idée d’un ensemble hétéroclite d’objets extraordinaires, et en ce sens l’expression est peut-être moins adaptée. Le livre a une forte unité : la plupart des textes sont situés dans un temps et un lieu précis : une maison au bord de la mer, en Vendée (cf. les noms de lieux : « Saint-Laurent-de-la-Prée, La Rochelle, Chatelaillon-Plage, Rochefort-sur-Mer…). Pour le temps, c’est l’été, avec quelques incartades à la Toussaint, à l’Ascension…, bref le temps des vacances ; mais il faudrait plutôt parler du temps de la vacance, qui rejoint celui de l’écriture. L’auteur oppose clairement le temps de l’année, du travail (« cette vie qu’il faut bien appeler comme ça, où le temps est bloqué une bonne partie de la journée, pendant presque toutes les semaines de mois entiers d’une année qui ne passe décidément plus, à partir de septembre. », p155), et puis, dans une belle page, « le temps perdu retrouvé » (p20), repris plus loin en « un temps retrouvé » (p78). La vacance, c’est la possibilité de revenir à soi, au monde, à l’écriture : disponible, on peut redevenir attentif, réceptif, observateur d’une foule de détails qui ne prennent aucun relief dans une vie quotidienne arasée par le travail. En cela, les textes de Blue Birds’ Corner sont des épiphanies minuscules, des instantanés, des détails infimes qui tout à coup retiennent l’attention, méritent leur écriture, deviennent porteurs de sens, ou de beauté, ou de bêtise, mais du vivant.
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Blue Birds’ Corner
Depuis l’un de ces lieux qui sont ceux de l’otium, donc du travail libéré des « nécessités », on observe ici comment le monde peut-être capté scrupuleusement afin d’être déchiffré : plantes, bêtes et gens y sont encore faits d’une matière sensible, susceptible d’impressionner le lecteur-écrivain sur son vélo, le nez au ras des herbes du jardin, ou livré à n’importe lequel des spectacles que donnent continûment mais dans des dispositions diverses les foules, les chats, les machines ou les oiseaux. On vérifie ainsi qu’une vision ne se constitue pas sans une syntaxe, qu’elle nécessite une langue. L’ensemble des instants ou des perspectives révélés n’implique