Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

« Blue Bird’s Corner » de Thierry Bouchard

Antoine Emaz

En quatrième de couverture, le livre est présenté comme « un cabinet de curiosités » : c’est juste, à la fois pour son aspect de collection, une suite de 68 textes en prose d’une à quelques pages, et pour sa façon d’entretenir la surprise du lecteur qui se demande à chaque fois quel sujet sera abordé et quel travail littéraire sera mis en œuvre. Pourtant, « cabinet de curiosités » renvoie aussi à l’idée d’un ensemble hétéroclite d’objets extraordinaires, et en ce sens l’expression est peut-être moins adaptée. Le livre a une forte unité : la plupart des textes sont situés dans un temps et un lieu précis : une maison au bord de la mer, en Vendée (cf. les noms de lieux : « Saint-Laurent-de-la-Prée, La Rochelle, Chatelaillon-Plage, Rochefort-sur-Mer…). Pour le temps, c’est l’été, avec quelques incartades à la Toussaint, à l’Ascension…, bref le temps des vacances ; mais il faudrait plutôt parler du temps de la vacance, qui rejoint celui de l’écriture. L’auteur oppose clairement le temps de l’année, du travail (« cette vie qu’il faut bien appeler comme ça, où le temps est bloqué une bonne partie de la journée, pendant presque toutes les semaines de mois entiers d’une année qui ne passe décidément plus, à partir de septembre. », p155), et puis, dans une belle page, « le temps perdu retrouvé » (p20), repris plus loin en « un temps retrouvé » (p78). La vacance, c’est la possibilité de revenir à soi, au monde, à l’écriture : disponible, on peut redevenir attentif, réceptif, observateur d’une foule de détails qui ne prennent aucun relief dans une vie quotidienne arasée par le travail. En cela, les textes de Blue Birds’ Corner sont des épiphanies minuscules, des instantanés, des détails infimes qui tout à coup retiennent l’attention, méritent leur écriture, deviennent porteurs de sens, ou de beauté, ou de bêtise, mais du vivant.
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Blue Birds’ Corner

Depuis l’un de ces lieux qui sont ceux de l’otium, donc du travail libéré des « nécessités », on observe ici comment le monde peut-être capté scrupuleusement

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