Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Lanterne magique

Gilles Heuré

À l’époque du Directoire, Etienne Gaspard Robertson (1763 – 1837) fit danser les spectres avec sa lanterne magique. Fantasmagorie, disait‑n alors pour désigner ces projections lumineuses qui allaient devenir l’ancêtre du cinéma. Ces images qui créaient l’illusion, encourageaient les rêves, et dilataient l’imaginaire de spectateurs ahuris, encore fallait-il en resituer l’importante dans l’incessante recherche du mouvement qui allait occuper tout le XIXème siècle. La « soif de voyance » de Robertson, Jérôme Prieur, écrivain et cinéaste, l’éclaire dans un texte magnifique, véritable archéologie du voir. Qu’on ne s’étonne pas de voir convoquer aussi ceux qui furent hantés ou intrigués par les émotions fugitives qu’engendrent les ruses optiques : Balzac, Poe, Chateaubriand, et bien sûr Proust, ouvrant À la recherche du temps perdu sur une séance de lanterne magique. Les images qui surgissent dans l’obscurité artificielle ne sont pas encore le vrai cinéma, plutôt des exploratrices à mi chemin entre physique et électricité. Mais Prieur révèle la noblesse de ces pionnières des spectacles optiques. Des ouvreuses de cinéma, en quelque sorte, qui invitent le spectateur à rêver dans le noir.

Lanterne magique

Avec Lanterne magique, Jérôme Prieur nous propose une réflexion sur l’émergence, en plein siècle des Lumières, d’une pratique dont les ressorts occultes sont néanmoins essentiels : celle des projections publiques de lanterne magique qui débutent durant l’An VI, c’est-à-dire en 1797 – 1798. Cette archéologie du cinéma passe par celle de l’image lumineuse à partir de deux livres, Du côté de chez Swann de Marcel Proust et les Mémoires d’Étienne-Gaspard Robertson (1763 – 1837), l’inventeur de la fantasmagorie qui fit carrière sous le Directoire et le Consulat quand les lanternes magiques sont connues depuis la fin du XVIIe siècle.  On connaît bien le premier, la fameuse série de six plaques de lanterne magique racontant

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