La Fin de Bartleby prouve, s’il en était besoin, que Bartleby de Herman Melville continue d’inspirer, d’aspirer, comme Moby Dick, lecteurs et écrivains. Dans cet étrange roman à la langue précise et volage, le narrateur vit en lecteur et en écrivain, sans contraintes et sans entraves, dans le calme, le silence et la solitude, sa zone de confort. Contrairement au scribe Bartleby, il lit beaucoup, entouré de livres protégés des offenses du temps, par du papier cristal – Ils bruissaient quand je les ouvrais avant de parler leur propre langue…
Le narrateur fait partie de cette fantasque association de lecteurs pénétrants, dont les membres se comptent sur les pages d’éditions rares et uniques de petits volumes de poésie que plus personne ne lit, ou encore dans ces collections privées parfois mises à jour par des archéologues sans âge et lecteurs de Borges. Il partage son temps entre écrits intimes, mémoires, journaux, correspondances et biographies, en présence de Flaubert, Alberto Manguel, Valery Larbaud, Joseph Roth et Léon-Paul Fargue, dont il recopie avec attention des passages qui deviendront, un jour peut-être, un livre, le livre des confessions d’un scribe. Cette studieuse attente bibliophile est troublée par la disparition annoncée de l’écrivain B., rétif aux dévoilements, insubordonné aux confidences encore moins qu’aux aveux, comme le scribe de Melville. La Fin de Bartleby est le roman d’une disparition, celle de l’écrivain B., en écho à celle tout aussi incroyable de Bartleby, porté par ces phrases qui se livrent et roulent et se déroulent comme une houle qui se lève et laisse apparaître le corps blanc immaculé de Moby Dick, qui est l’autre nom du corps du roman.
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