Lanterne magique est un livre érudit étourdissant, fait de lectures autant que d’images : Jérôme Prieur y rêve à ce temps d’« avant le cinéma » (selon le sous-titre), qui fut celui de son héros singulier, Etienne-Gaspard Robert, dit Robertson (1763 – 1837), lequel imagina, à la fin du XVIIIe siècle, une forme de spectacle optique fondé sur l’illusion, et raconta ses aventures de « fantasmagore » dans les Mémoires récréatifs, scientifiques et anecdotiques d’un physicien-aéronaute. Breveté en 1799, son procédé pouvait sembler relever de la seule attraction de foire : une animation de fantômes, prompte à impressionner un public qui avait connu la Terreur, et pourtant plus sérieuse qu’il n’y paraît.
Avec la rigueur de l’archiviste, la patience de l’archéologue et l’élégance d’un pur écrivain, Prieur multiplie les séquences comme autant de séances de lanterne magique, où l’on retrouve Marcel Proust en guide discret d’une enquête très romanesque, traversée parfois des silhouettes de Balzac, Flaubert ou Chateaubriand…
Etrange et merveilleuse galerie- bibliothèque, où se multiplient les scènes qui disent non seulement le parcours oublié d’un montreur de spectres, mais surtout quelque chose comme l’émergence du spectateur moderne, et la naissance d’une mise en scène où nous aimons nous retrouver, aujourd’hui encore, dans la magie lumineuse de la nuit choisie.