Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

De la solitude animale, y compris humaine, par Dolorès Marat, photographe.

Fabien Ribery

De dimension profondément onirique, l’œuvre de Dolorès Marat possède une grâce et une texture qui ravit immédiatement l’œil.

Imprimé avec beaucoup de soin sur papier Munken Print 150g à Barcelone, son dernier livre publié aux éditions Fario, Lune rouge et autres animaux familiers, est un éloge de l’animalité – humains y compris – en ses points de solitude et sa présence fascinante.

Née en 1944 à Paris, vivant actuellement à Avignon, la photographe exposée dans le monde entier – et cet été à Douarnenez à La Chambre claire Galerie -, a longtemps utilisé exclusivement le tirage quadrichromique au charbon Fresson, la découverte de la couleur et de cette technique ayant donné à son travail une tonalité s’identifiant à son esthétique.

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©Dolorès Marat 

Ses visions sont des tableaux quelquefois étranges où apparaissent des créatures témoignant d’un monde désormais en voie de disparition, tristement protégé par les grilles des zoos, notamment celui du Jardin des plantes – on peut penser au peintre Giles Aillaud.

Dolorès Marat aime les atmosphères de nuit, les scènes nocturnes, les dialogues avec les ombres, et surtout la singularité de chaque être.

Dans la pénombre, le palmier que photographie l’artiste de façon floue est une personne à la fois comique et monstrueuse.

Des cavaliers s’avancent vers une pyramide, la mer est émeraude (on ne sait ce qui l’éclaire), la ligne d’horizon parfaitement symétrique comme dans une composition de Geneviève Asse.

Passe une tortue en son armure de carapace dorée, donnant l’impression de courir, alors que, placide, lui faisant face, un cheval blanc attend probablement quelque venue amicale, ou rien.

Des personnes dans une prairie – on pourrait être aux Etats-Unis chez Todd Hido – observent en hors-champ une explosion lumineuse, une femme-crocodile écrit son journal intime, la ponctuation de la mer rappelant notre origine primordiale.

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Il y a chez Dolorès Marat une discrète surréalité embrassant à la fois les foules anonymes et les personnages animaux.

Deux chats dialoguent sur le capot d’une voiture, l’incommunicabilité n’est visiblement pas quatre-pattes.

Des humains dansent, patinent, conduisent leur automobile, jouent, tapinent, que rédiment les vagues de lumières qui les touchent.

Un homme s’est endormi dans un cinéma, et nous voyons des paysages évoquant le film Rêves d’Akira Kurosawa (1990).

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Lune rouge et autres animaux familiers

Postface : « Captivités », par Vincent Pélissier Il faut rappeler que Dolorès Marat a depuis longtemps photographié beaucoup d’animaux — sans pour cela risquer le moins du monde l’emploi de photographe animalière —, et que toujours ils sont affectés de solitude. Il existe bien dans son album certaines images d’ensembles, un vol d’oiseaux, une troupe de cavaliers, mais ils sont si lointains, si disséminés dans l’étendue d’un désert ou d’un ciel, qu’à leur tour et collectivement ils sont très seuls. Et il ne s’agit donc jamais de photographies de singes, de girafes, de hiboux, mais de celles d’un sujet singulier, élu dans sa solitude, et

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