Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

J’y suis, j’y suis toujours

On ne subsiste guère que de se confronter au monde et à sa propre histoire, mêlant souvenirs et méditations sans cesse renouvelées auxquelles contraignent la vie personnelle non moins que les développements parfois exténuants des sociétés où elle se tient. Dès lors, « y être, y être toujours », c’est bien dire, au-delà de toute lassitude, le refus d’accepter l’ordre nauséeux des choses. On n’hésiterait pas à nommer, ainsi que le réclamait André Breton, celles et ceux avec qui l’on partage, ou ne partage pas, l’élan charnel d’exister. Ce livre n’a pas d’autre objet. Il n’a d’autre nécessité, que l’exigence de se tenir ainsi à hauteur d’homme, de caresser, du coup, quelques espérances & quelques songes, au fil heureusement sinueux d’une prose qui se satisferait volontiers d’unir en un même souffle le réel et ce qui, en lui, demeure la trace de son imaginaire.

Le désert s’accroît, ses dunes hérissées de barbelés ou de blockhaus technologiques.
Des flux s’y dispersent.
Les vents de sable, qui s’y déploient selon des réseaux que l’absence paradoxale de proximité détermine, poussent devant eux des troupeaux d’avatars, de fantômes, dissimulant, à la vue des touristes ou des néo-nomades, fussent-ils bardés d’écrans et de capteurs sophistiqués, des mirages d’une plus dramatique envergure. La cuistrerie n’en progresse qu’avec moins d’état d’âme. Rassasiée de fruits dont l’industrie culturelle garantit la fraîcheur, elle pérore, vaticine, laboure à la rigueur la terre de maigres mais écologiques oasis, racole ouvertement au coin des rues et, pour que mesure soit comble, exerce sans discrimination son droit d’ingérence au sein des diverses théories subversives cotées en bourse, qu’elle absorbe, digère, défèque, régurgite, se drapant d’une pudibonde chasuble avant d’animer les débats qu’arbitrent colloques et synodes estivaux.

L. B.

Lionel Bourg

Lionel Bourg réside à Saint-Étienne. Enseignant jusqu’en 1989, il se consacre depuis entièrement à l’écriture. Si son travail l’aura au fil des ans conduit à entreprendre et poursuivre la rédaction d’une sorte de Journal ininterrompu où tout ce qu’il compose, poèmes, petites proses, pamphlets, notations quotidiennes, concourt à établir un rapport au monde critique et amoureux tout ensemble, il n’en continue pas moins de rédiger des textes de plus vaste coulée, lesquels organisent en récits et essais mêlés autobiographie et quête d’une manière de sens. Son goût de la peinture, des arts marginaux, bruts, premiers, l’ont par ailleurs déterminé à développer une réflexion d’ordre « esthétique » qu’illustrent

Lire la suite »