Evocation de l’œuvre d’une poétesse morte à 15 ans et dont l’œuvre reste à découvrir : celle de Sabine Sicaud (1913 – 1928).
Il était temps de parler un peu de poésie dans cette chronique. Les liens qu’entretiennent l’enfance et la poésie sont nombreux, profonds, essentiels. D’abord tout simplement parce que l’enfance, c’est l’une des périodes de l’existence où l’on est le plus souvent amenés à lire de la poésie, parce qu’on apprend des poèmes à l’école. Ca commence très tôt, à l’école primaire, cela se poursuit ensuite, au collège surtout. On se souvient parfois de ces poésies apprises dans l’enfance toute sa vie. Verlaine, Hugo, Baudelaire, La Fontaine, Prévert : les rares poèmes que je connais par cœur aujourd’hui me viennent de ces années-là. Or c’est un plaisir singulier, celui d’assimiler les mots d’un écrivain, de les faire siens au point de savoir les réciter.Il est assez émouvant de penser aussi à ces poètes qui ne sont guère plus lus aujourd’hui que par les enfants, ou disons par des enfants en majorité : Maurice Carême, Charles Cros, Francis Jammes, Eugène Guillevic, Marceline Desbordes-Valmore… par exemple.
Sabine Sicaud, enfant-poète
Parmi eux : l’œuvre de Sabine Sicaud. Je l’ai découverte en écoutant France Culture et grâce au comédien Denis Lavant qui a choisi de faire entendre un de ses poèmes récemment pour l’émission « l’Instant poésie » diffusée tous les soirs et quand vous voulez en podcast. Sabine Sicaud était née en 1913, à Villeneuve sur Lot ; c’était la fille d’un avocat et d’une journaliste et elle a grandi dans une maison pleine de livres, située dans un grand domaine qui s’appelait « La Solitude » — ça ne s’invente pas. Elle passait des heures, enfant, à jouer dans le jardin, à observer les plantes, les animaux, qu’elle a souvent évoqués dans ses poèmes. Or ces poèmes, Sabine Sicaud a commencé à les écrire toute petite : dès l’âge de 6 ans. Et à 11 ans, déjà, en 1924, deux de ses textes lui ont valu de recevoir deux prix prestigieux, si bien qu’Anna de Noailles, autrice et figure de la vie littéraire de l’époque, a œuvré pour que soit publié un recueil, paru en 1926, qui reste l’unique recueil publié du vivant de Sabine Sicaud. Car l’année suivante hélas, la jeune fille s’est blessée au pied, la blessure s’est infectée, or à l’époque, on ne connaissait pas encore l’usage des antibiotiques, si bien que Sabine Sicaud est morte l’année suivante hélas, en 1928, des suites de cette blessure : elle avait 15 ans.
Un recueil superbe : Le chemin de sable
Ses poèmes malheureusement ont été peu édités. Les éditions Gallimard jeunesse en ont fait paraitre l’an dernier une sélection dans leur collection « Enfance en poésie » : un recueil qui s’appelle « La chanson du petit caillou et autres poèmes ». Il a le mérite d’exister mais il est un peu décevant, car la sélection est maigre et les illustrations ne sont pas tout à fait à la hauteur des textes à mon sens. Je recommande donc surtout de se procurer le recueil que les éditions Fario ont fait paraître l’an dernier aussi, un très beau livre qui s’appelle Le chemin de sable , et dans lequel on trouve un large choix de poèmes, qui nous permet aussi de découvrir ceux que Sabine Sicaud a écrit alors qu’elle était malade et qui sont très beaux.
Écouter l’intégralité de la chronique de Mathilde Wagman sur France Culture