Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

En attendant la fin du monde

Patrick Corneau

Un rêve, un vœu peut-être. Des chercheurs isolent l’ADN de Jean-Jacques Rousseau à partir de fragments de sa dépouille collectés dans sa sépulture du Panthéon. Ils le clonent. Et voilà, Jean-Jacques est là, « tel qu’en lui-même enfin l’éternité ne le change plus ». Il observe notre société, ses dérives, ses ridicules, ses monstruosités, son désir si véhément d’en finir en tout et à tout prix… Il ne la juge pas, il la condamne à travers la flamboyance d’un haut style de facture classique, très oratoire, se déployant entre la consolation amère nimbée de nostalgie et les lamentations pleines de colère du thrène antique.

Et c’est le livre que nous avons sous les yeux : En attendant la fin du monde que publient les éditions Fario.
Et c’est Baudouin de Bodinat notre Rousseau de la post-modernité, le grand contempteur du « monde d’après ». Comme vous ne le savez peut-être pas, on ne sait rien de cet auteur rare, secret, inaccessible, auctor absconditus comme le Dieu de Pascal. D’autant plus éloigné que son ire est plus dévastatrice. D’autant plus reclus dans son étrangèreté qu’il est éminemment présent, et avec quelle acuité ! dans la dénonciation de notre quotidienne déréliction. Lire Baudouin de Bodinat c’est se ressuyer, se laver de toute la chiennerie contemporaine. C’est regagner une innocence perdue, recouverte par tant de salissures douces et confortables. On mesure donc l’urgence de cette lecture plus que salutaire : salvatrice. […]

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