Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

À propos de « Faisez pas les cons ! » d’Henri Droguet

Étienne Faure

C’est avec cette énergie coutumière à Henri Droguet, et doublée d’un langage (très) parlé, que s’annonce Faisez pas les cons ! Un point d’exclamation dans un titre n’est pas chose fréquente. Henri Droguet ne change pas de cap. Celui dont on peut découvrir actuellement les poèmes très enlevés de Désordre du jour (Ed. Gallimard, note de Bruno Fern dans Poezibao), publie concomitamment cet ensemble de récits allègres. Et qui apostrophent … 

Goguenard, Henri Droguet fait rire. Mais pas seulement. Les grincements sont proches et se retrouvent tout le long du recueil de huit nouvelles « ou fables »… (ou histoires, ou récits, ou péripéties …). Henri Droguet confirme qu’il a la plume percutante quel que soit le genre. Le ton est déjà donné par les titres mêmes de ces récits : Confessions d’un enfant du demi-siècle ; Faisez pas les cons !, Nord-ouest, Bords perdus, A Dieu vat !, On se les gèle, Hauts les cœurs !, Un, deux trois…
Des textes où les mots se télescopent, se chahutent, entrecoupés de dialogues fréquents qui viennent revigorer le fil du récit, l’embarquent encore plus loin, le font bifurquer :
 — Avance donc ! Avance donc ! grommela quelqu’un.
 — Nous y voilà ! La colère ? La hargne ? La frousse ? Lâches ! Lâches ! Vous avez manqué de tout ! Vous avez forcément manqué d’amour et vous voilà en train de crever ! […]

Le vers est dans la prose ‑et vice-versa. Ici le prosateur a le sens du détail et de l’observation qui rappelle le poète. Ainsi apprend-on par le menu la technique de mise en bouteille du cidre bouché : « …puis on capelait par là-dessus un collier en laiton qu’on bloquait sous l’ourlet du goulot, après on tortillait la boucle de métal et ça faisait comme une oreille qu’on rabattait sur le col de la bouteille. » Des scènes où passeraient le peintre Millet (Jean-François) ou Jean Follain, au choix : « La tante Louise avait posé sur le cul d’une cagette une assiette de faïence ébréchée ornée de gros pétunias bleus et rouges peints à la main et dessus elle avait mis une tranche de pâté de lapin, des cornichons, de la salicorne qu’on allait ramasser plus loin dans l’herbu. » Un paysage souvent maritime et terrien à la fois : on y trouve donc, qui se côtoient, de vieux cidres, des pommes, des clapiers, du pâté de lapin, de la salicorne, des poissons de toutes écailles (des tacauds, des godes, des chinchards, des orphies dites aiguillettes, des mulets, des roussettes ou chiens de mer …), des ports, le large, du vent, des haies, le suroît, des bulletin de la météo marine pour la pêche et la navigation, des goélands, des chaloupes « ruinées aux vaigrages disparus », des sentiers côtiers, une statue en plâtre de saint Roch… etc.
Une veine surréaliste parcourt volontiers certains récits, rétive aux conventions de tous poils ‑y compris celles de la narration‑, et rafraichissante : Bords perdus, par exemple, offre un programme « un peu déconnant » dont s’amuse manifestement l’auteur qui parle, ailleurs, un rien railleur, du « narrauteur ».

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« Faisez pas les cons ! »

Nouvelles, récits, fables, peu importe le nom, il y en a huit. Dans un décor de grains et de ports désolés, de landes boueuses ou d’herbes rares et d’éboulements divers, bref, d’instabilité générale du Ciel et de la Terre. Y rôdent Albert, dans tous ses états, et ses romanesques amis, quelques énergumènes nomades de son acabit : la succession des litres à 11°5 éclairant diversement d’un voile irisé les fortunes de leurs humeurs et pourquoi pas, une sorte d’humanité. De l’abstème amer jusqu’à la folle bobance. Rapidement, dans ces parages dévastés, le banal vire à la catastrophe, à la confusion, à l’absurdité, au chambard. Car la vieille humanité

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