Force est de se rendre à l’évidence : les mots ne sont pas à notre service.
Ils sont lourds d’exigences presque végétales et nous imposent leur tradition. Seule l’étymologie, source constante d’étonnement, met au jour leur murmure antique. Prenons, au hasard, le diable. Oui, pourquoi pas le diable ? C’est l’être qui sème la discorde entre les humains. Il les séduit, il les sépare en leur promettant ce qui excède leur condition et par là les condamne à ce qu’on dit être leur perte. Or le terme résulte de l’association du préfixe dia– et de la racine ble/bole du grec βάλλειν (ballein). Dia– marque un mouvement qui perce un corps et le sépare en deux. βάλλειν exprime le fait de lancer. En sorte que l’ensemble désigne le mouvement d’un trait qui perce un corps et disloque ses membres, explosant son identité. Le diable exacerbe les antagonismes internes, amenant tout organisme à se briser en deux. À l’opposé du diable qui divise, le dialogue établit un lien (-logue, λέγειν (legein) dit ce lien) entre points de vue distincts voire opposés.
Être à l’écoute de la voix des racines, tel est le propos de ce « glossaire giboyeux ».
« Nous autres adultes savons que les lois de la nature, comme celles de l’inconscient, dénoncent implacablement toute prétention de maîtrise du verbe. »
L. D.-B.