Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Une rose pour Wâdi Rum

& Gilles du Bouchet

Le désert se retire en lui-même et, comme la marée, il sait lui aussi jouer à n’être plus là, ni plus chez lui, le temps de quelques hommes. Une fois ceux-là partis, il renaîtra de sa propre braise à peine refroidie, de ses propres cendres, dans la violente géologie du matin de ce monde, le sien, sous le regard démesuré des purs rapaces.

Salah Stétié

Sept proses du poète Salah Stétié, auxquelles s’associent et répondent treize dessins au graphite du peintre Gilles du Bouchet.

Une rose pour Wâdi Rum est le premier de ces textes et a donné son nom au livre. Le monde et nos traces, le réel et les signes que nous lui opposons ou que nous lui substituons, le néant que nous devenons dans l’infini présence de ce qui nous échappe : c’est au désert, au vieux désert que jadis des hommes tentèrent d’apprivoiser et qui bientôt reprendra ses droits, que Salah Stétié aiguise ces questions.

Or moi, d’un doigt majeur je désigne l’éclat des infertiles. Je dis, et c’est évident pour chacun : « les signes sont nos bergers ». Mais ce sont là mauvais bergers qui jamais ne consentent à nous donner de leur clarté et disant, s’ils s’expriment, l’étincelante contradiction de toutes leurs croix. Mais nous, demeurons hantés, sous la touffeur de mille nuages, par le voeu du chemin, la clé qu’on nous retire, le gué qu’on nous retient, et le fiancé toujours promis, jamais venu.

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Masses en proie à l’éclatement ou à la fragmentation, ainsi que le seraient quelques noires comètes brûlées, les dessins de Gilles du Bouchet sont, à proprement parler, en regard des interrogations du poète.

Gilles du Bouchet

Gilles du Bouchet est peintre. Son œuvre rigoureuse et profonde, marquée par le songe des éléments mais à distance de la figuration, s’inscrit dans la tradition, renouvelée et enrichie par les artistes modernes de Paul Cézanne à Pierre Tal Coat, d’un questionnement, dans la mobilité et la vibration du trait, des limites du visible. Il est depuis longtemps lecteur de poésie française et étrangère, et a contribué à nombre de livres d’artistes.

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Salah Stétié

Célébrant à la fois une langue française très pure et les traditions de la poésie arabe, il est l’auteur d’une œuvre poétique abondante et dense, où la “réduction” de l’expression et des thèmes visent à l’évocation de l’essentiel humain par des moyens verbaux épurés, la référence à Mallarmé (à qui Stétié a consacré un essai : Mallarmé sauf azur, 1999) s’imposant, du côté occidental. . Son œuvre manifeste « le désir d’une vigilance et une foi dans la parole de poésie », selon les mots d’Yves Bonnefoy et se découvre « dans une illuminante complexité ». Il est l’auteur de nombreux essais, de recueils d’aphorismes, de traductions et présentations

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