Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

« Car les grandes villes, Seigneur… »

Cette courte prose, d’une haute tenue de langue, est à la croisée de l’essai et de la fiction autobiographique. À quelques encablures de La forme d’une ville, et au prétexte ici de Bordeaux, de son grand théâtre, de ses quais et de son fleuve, il s’agit d’une très belle méditation sur le paysage des villes, la façon dont chacun peut s’en sentir animé ou meurtri, à l’heure où les « restaurations » planifiées et l’urbanisme administré ont déjà ravagé les sédiments naguère vivants des vieilles cités humaines.

Le port de Bordeaux. Joseph Vernet

Bordeaux tend à devenir encore une fois l’extension d’un théâtre que son architecte, Victor Louis, avait déjà conçu comme un édifice ouvert, à usages multiples ; et la pièce qui s’y joue depuis des années peut bien sembler ne consister en rien d’autre qu’en l’édification de son propre décor, il s’agit du drame nu d’habiter sous le ciel.

L’entrée lente dans une dimension où, peu à peu, les jardins cloisonnés de Combray viendraient s’abriter derrière les façades blanches des villages d’Espagne, dans les quartiers à échoppes, manifeste peut-être une perte du sens de la réalité, elle correspond surtout, ainsi que les autres façons de laisser comme de lui-même se creuser le monde et advenir le désirable étrange, à l’intrusion calme du temps dans l’espace, par quoi nous sentons bien comme nous allons uniment avec les choses.

Imprimé en deux couleurs, tirage limité à 500 exemplaires.