Âgé d’une dizaine d’années lors de l’invasion de la Grèce par les troupes allemandes, le narrateur n’était encore qu’un adolescent quand sa province natale, à l’image du pays, s’est déchirée entre des factions rivales jusqu’à l’aube des années cinquante. C’est dire si les événements rapportés se sont imprimés sur un cerveau sensible, pour ne pas dire vierge encore, et on ne s’étonnera pas qu’ils soient devenus indélébiles. Le livre que voici, au prétexte d’une longue conversation à bâtons rompus avec une jeune universitaire venue interroger l’auteur sur l’un de ses précédents ouvrages, Accoutumance à la nicotine, revient sur le détail de ces années capitales, déterminantes pour la trajectoire d’une vie et, accessoirement, d’une nation. On ne s’étonnera pas non plus que les histoires et épisodes rapportés aient des chutes souvent tragiques, ni que ce tragique soit rarement annoncé mais dévoilé peu à peu, jusqu’à se révéler dans toute sa crudité.
« Le lecteur, écrit Gilles Ortlieb dans sa préface, introduit d’emblée dans le vif du sujet, en sortira aussi abruptement qu’il y était entré, rendu un peu plus songeur peut-être par ce qu’il lui aura été donné de voir ou ce qu’on lui aura laissé deviné. Pour l’auteur, il ne s’agit pas de faire beau, encore moins de faire joli, mais seulement d’approcher la vérité, de la cerner d’aussi près que possible et, quelquefois, de la nommer. » Pour conclure ainsi : « Toutes les éducations, on le verra, ne sont pas seulement sentimentales. »
Traduit du grec et préfacé par Gilles Ortlieb,
suivi de notes sur l’histoire de l’occupation et de la guerre civile en Grèce.