Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Pierre Bergounioux

Pierre Bergounioux, c’est indubitable, est né à Brive. Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé de lettres modernes, lauréat du Prix Alain-Fournier (1986) et du Prix Roger Caillois (2009), Pierre Bergounioux est l’auteur d’une oeuvre immense où le travail de la réflexion éclaire l’expérience brute, chaotique, sensible, d’un passé de 5000 ans. Il est aussi critique littéraire, sculpteur et amateur de vieilles ferrailles, enseignant, père de famille, pêcheur de truites, entomologiste, lecteur faramineux. Pierre Bergounioux partage sa vie entre les solitudes lumineuses de la Haute-Corrèze et les jours laborieux, contraints, en banlieue parisienne. Après avoir passé l’essentiel de sa carrière en collège, Pierre Bergounioux dispense depuis peu des cours aux Beaux-Arts de Paris.

Citons ici un extrait de l’hommage que lui rendait le poète Jean-Paul Michel lors de la remise du prix Roger Caillois, en 2009 : 

Dans une méditation récente en forme d’hommage à Julien Gracq, Pierre Bergounioux a cru pouvoir, en lucide témoin qu’il se veut de la fin des civilisations, clore, avec l’auteur du Rivage des Syrtes, le destin du moment français dans les Lettres. J’aurais à objecter à ce diagnostic. Mais plutôt que de disputer ici de vérités de sentiment plus que de vérités de fait (puisqu’ils ne sont pas, ces faits), touchant les multiples demains possibles de cette langue et de ses arts, je formerai seulement, par provision, auprès de lui, avec humilité, cette requête, qu’il est évidemment le moins à même de satisfaire (étant à la fenêtre, comment pourrait-il se voir passer dans la rue ?) ; qu’il acceptât, à supposer la littérature de langue française engagée dans son dernier acte, de retarder encore un peu la publication du constat de décès. – Assez, en tout cas, pour qu’il nous soit possible de l’admettre, lui, tout vivant, in extremis, dans la brillante cohorte des titulaires de la charge, puisqu’il nous est donné à tous de constater, par expérience certaine, avec les plus hautes clarté et distinction, ceci, qui appartient à l’ordre du fait : tant que la main de Pierre Bergounioux tient la plume, la « littérature française » continue. Et avec elle la pensée, la véridicité, la noblesse d’un vouloir haut, le feu qui nous feront aimer toujours et Montaigne, et le Duc de Saint-Simon, et René Descartes, et Pascal. Ajoutons une poignée de damnés qui auront touché notre coeur, de Rousseau à Flaubert, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, Proust et jusqu’à Gracq : le legs court, très vivant, jusqu’à lui.

Pierre Bergounioux est l’auteur d’une œuvre magistrale qui explore nos liens, imaginaires, symboliques et réels, aux conditions géographiques et historiques dont nous héritons, et auxquelles, l’esprit, pour seulement prétendre à l’existence, doit se confronter. Parmi ses récents livres : La Notice, William Blake and Co (2016) ; Raconter, William Blake and Co (2016) ; Rendre la parole – Les larrons de William Faulkner, Le Bord de l’eau (2017) ; Correspondance Pierre Bergounioux / Jean-Paul Michel, Carnets 1981 – 2017, Verdier (2018) ; Une terre sans art, William Blake and Co (2018) ; En vitesse, Fata Morgana (2018) ; Possibles, Æncrages & Co (2018) ; Le corps de la lettre, illustré par Jacquie Barral, Fata Morgana (2019) ; Lundi, Galilée (2019), Hôtel du Brésil, Gallimard (2019).

De Pierre Bergounioux aux éditions Fario : Deux écrivains français, essai sur Julien Gracq et Claude Simon, 2010 ; 

et dans la collection Théodore Balmoral : François, 2019 ; Russe, 2021 ; Le Bois du chapitre, 2023.