Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Rome

Patrick Corneau

Vivre à Rome, pendant des années, en partageant au jour le jour la vie des Romains, c’est découvrir une ville très éloignée des clichés du tourisme et des enthousiasmes du traditionnel « Voyage en Italie » auquel doit se prêter tout peintre si ce n’est tout artiste, tout esthète.
Âpre, dure, corrompue, somnolente et violente à la fois, partagée entre le rêve de sa grandeur passée et la réalité de sa dégradation contemporaine, Rome garde pourtant une beauté secrète, qui exerce une emprise hypnotique sur nombre de ses habitants. D’extases en mélancolies, Rome aura nourri toutes les formes de la ferveur littéraire, entretenant l’illusion, jusqu’au mensonge. Montaigne, du Bellay, Michel-Ange, Poussin, Piranèse, Goethe, Chateaubriand, Stendhal, Shelley, Keats, Rilke, Moravia, Ungaretti, Ingeborg Bachmann, Thomas Bernhard, Balthus, Fellini, Flaiano, Pasolini, et tant d’autres encore, hantent les pages de ce livre : les Romains eux-mêmes, de souche ou d’adoption, morts et vivants, célèbres et anonymes, nous aident à saisir la vérité souterraine de leur ville, son énigme, sa vibration, sa vocation à une décomposition que l’on pourrait qualifier de cioranesque. « La seule ville au monde qui ressemble à une autopsie » estimait Julien Gracq ; Thomas Bernhardt lui, l’avait élue « parce qu’elle avoisine le néant »
Curieusement, comme le souligne l’auteur, au cœur de son naufrage, la ville paraît avoir, comme nombre de ses habitants, le visage tranquille de ceux qui n’ont cure du désastre et n’en veulent rien savoir. 

Plus qu’un guide inédit, Rome Chronique d’apocalypse est à la fois un voyage dans Rome et une quête spirituelle : la Ville s’y révèle dans une lumière surprenante, qui éclaire aussi le destin de l’Europe d’aujourd’hui. Car cette Rome malmenée, et désormais marginale, est l’image d’une Europe elle-même reléguée à la marge du monde devenu planétaire. En son apocalypse, Rome serait le miroir de l’Europe contemporaine, et son centre insolite : la vie s’y consume sans extase ni nostalgie, dans l’oubli de son être historial et, conséquemment, dans l’indifférence générale envers les signes avant-coureurs de la barbarie qui vient (déficit de l’État et incurie de ses services, catastrophe sanitaire et écologique, agonie du système éducatif, etc.).

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Rome

          « Qui venait habiter à Rome, autour des années quatre-vingt-dix, découvrait une ville bien éloignée des images du traditionnel « Voyage en Italie » comme des clichés de

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