Fario n°12, printemps deux mille treize.
Si vous estimez l’exposition Debord de la Bibliothèque nationale trop officielle pour être honnête et que vous avez d’ores et déjà épuisé l’œuvre intégrale d’Annie Le Brun, il vous reste un dernier refuge de papier pour résister à l’emprise du Spectacle. Cette thébaïde s’appelle Fario. Quitte à publier des traductions de Rosa Luxembourg, la revue dirigée par Vincent Pélissier se veut résolument artistique. Dostoïevski aurait dit de ses auteurs qu’ils vivent leur présent littéraire en fonction d’un passé sensible qui ne reviendra plus. Son douzième numéro confirme sa vocation initiale : au milieu de l’abondance de biens culturels, exprimer « la singularité d’un ton, d’une vision, d’une présence, s’opposant à tout ce que le monde fabrique d’uniforme et de choses mort-nées » contre « le flux du spectacle ». Fario nous offre notamment « Au fond de la couche gazeuse », un superbe texte en prose de Baudouin de Bodinat, auteur de La Vie sur Terre. Ses autres contributeurs alternent inspiration poétique et méditations mélancoliques en se maintenant à distance des froideurs de l’idéologie comme du formalisme creux, ces deux irréductibles ennemis de l’art. Les plus curieux y trouveront de belles réflexions sur la culture populaire qu’Horkheimer, Anders et Brecht tenaient en pleine seconde guerre mondiale dans leur refuge universitaire américain.
Et si la résistance « d’un petit bloc imprimé et assemblé dignement » était le meilleur antidote à l’acédie ?