Le désert se retire en lui-même et, comme la marée, il sait lui aussi jouer à n’être plus là, ni plus chez lui, le temps de quelques hommes. Une fois ceux-là partis, il renaîtra de sa propre braise à peine refroidie, de ses propres cendres, dans la violente géologie du matin de ce monde, le sien, sous le regard démesuré des purs rapaces.
Salah Stétié
Sept proses du poète Salah Stétié, auxquelles s’associent et répondent treize dessins au graphite du peintre Gilles du Bouchet.
Une rose pour Wâdi Rum est le premier de ces textes et a donné son nom au livre. Le monde et nos traces, le réel et les signes que nous lui opposons ou que nous lui substituons, le néant que nous devenons dans l’infini présence de ce qui nous échappe : c’est au désert, au vieux désert que jadis des hommes tentèrent d’apprivoiser et qui bientôt reprendra ses droits, que Salah Stétié aiguise ces questions.
Or moi, d’un doigt majeur je désigne l’éclat des infertiles. Je dis, et c’est évident pour chacun : « les signes sont nos bergers ». Mais ce sont là mauvais bergers qui jamais ne consentent à nous donner de leur clarté et disant, s’ils s’expriment, l’étincelante contradiction de toutes leurs croix. Mais nous, demeurons hantés, sous la touffeur de mille nuages, par le voeu du chemin, la clé qu’on nous retire, le gué qu’on nous retient, et le fiancé toujours promis, jamais venu.
Masses en proie à l’éclatement ou à la fragmentation, ainsi que le seraient quelques noires comètes brûlées, les dessins de Gilles du Bouchet sont, à proprement parler, en regard des interrogations du poète.