Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

Le Repos du cavalier

Suivi de « Aimé parmi les autres » de James Sacré

Le Repos du cavalier fut le premier livre publié par les éditions Fario. Aujourd’hui réédité, il rassemble huit proses qui consacrent une errance du marcheur, en quête d’une réponse qui ne saurait être que fugace, instantanée, labile : elle surgit dans ces pages, quelques fois, sous une forme ou une autre, et c’est toujours le sentiment d’une présence. Le plus souvent à une distance d’astre des autres vivants, l’homme sans but qui glisse au fil des brumes et hante ici les paysages du Haut-Jorat croise cette présence : la fleur qui lui fait signe, la bête qui lui offre un chant ou un regard, le paysan tenant au poing son outil ou menant son cheval, l’ami lointain qui soudain revient dans le cœur et dont le pas soudain est plus qu’un souvenir, le moissonneur mort qui franchit le seuil de l’auberge et que nul ne voit plus désormais. C’est affaire d’attention, de patience, et de fragilité. C’est l’affaire d’un instant, d’un « éclair infini ». Et puis tout se referme, une lueur se noie dans le grand flot des innombrables, l’homme est repris par la cohue des foules et l’implacable étau du temps.

     L’écriture aurait-elle alors la charge de rendre à ces présences, à ces invisibles, une provisoire éternité ?

                                                                           *

     « Mais qui peut choisir sa voix ? Y a‑t-il une seule inflexion voulue qui tout aussitôt ne trahisse ? Hélas ! Les abeilles, le jardin de soucis et de bleuets, la chambre où la mère dispose déjà près de la fenêtre, glacées de bleu par une touche de ciel, les assiettes éblouissantes, la montée dans la fournaise au pâturage d’après-midi, les foins, l’étrange fuseau de bois que les faneurs fichent au sol en faisant tournoyer sa corde comme une fronde, le capuce de toile dont ils se coiffent avant de s’adosser à la chaude charge de foin sec, le coup de reins qui les relève, qui te relève, jeune berger si calme et si sûr, tes haltes à la fontaine, les bras nus au bassin, la petite tasse d’eau pure vingt fois vidée, — tout ce trésor d’images, ces dons d’un homme et de son pays, il faut, pour n’avoir pas su les prendre au chant d’une voix juste, les gaspiller ici en quelques phrases précipitées… »

G. R.

Gustave Roud

Nourrie d’une merveilleuse et difficile passion pour un paysage, celui du Haut Jorat, et ses habitants (des amis paysans), la voix de Gustave Roud apporte

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