La pluie, les gifles, la bicyclette, l’encre, Vivaldi et Marco Polo, Dickens et la sténographie, Chardin et les cerises, Follain et le rouge, l’étudiant de Constantin Verhout, Larsson et les bouleaux, Mozart à Stockholm, Toutânkhamon à Paris, les citrons, les tigres, les paons, le drugstore Saint-Germain, le Lake District, le testament d’Alfred Nobel, le cimetière de Bagneux, le trésor de Boscoreale, un ancien curé de Corrèze, New York, le canapé de Marcel Proust…
Thierry Laget, mémorialiste de sa propre vie et de ses pensées, comme Leopardi le fut des siennes dans son Zibaldone, nous livre, avec ces éphémérides, quelques points de sa triangulation sentimentale, dans leurs rapports avec la mémoire, le rêve, la littérature… Si les éphémérides sont des almanachs où bruissent « des voix qui se sont tues », grâce à ce livre, le lecteur feuillettera un quotidien aux paysages historiés, un calendrier aux heures ourlées d’or.
J’ai souvenir d’avoir possédé, au fil des ans, un tricycle et plusieurs bicyclettes, dont un vélo de course amarante au guidon en forme de cornes de bélier, qui m’évoquait Ulysse, la Grèce, la Méditerranée ; un bike Raleigh avec frein torpédo, admiré à la foire de Tours, acheté en Angleterre et sur lequel, imaginant que j’étais un chevalier errant, je pédalai d’un seul élan de Londres à Plymouth, avec d’innombrables détours et un crochet par Tintagel ; et la bicicletta noir et argent, lys rouge sur l’écusson, que j’avais acquise chez Bianchi, à Florence, que j’ai ressortie de l’appentis, vingt ans plus tard, et qui, malgré des pneus crevassés et des points de rouille éparpillés sur les garde-boue, roule aussi silencieusement qu’au premier jour.
Mes bicyclettes doivent ressembler à mes stylos.
T. L.