Rose Ausländer, née le 11 mai 1901 à Cernowitz, décédée à Düsseldorf le 3 janvier 1988. Elle a grandi dans une famille aisée. À la mort de son père, elle interrompt ses études de littérature et de philosophie, puis, sur les conseils de sa mère, part aux États-Unis avec un camarade d’études Ignaz Ausländer, qu’elle épouse en 1923 et dont elle se sépare trois ans plus tard et divorce en 1930. Rentrée dans sa ville natale, notamment pour soigner sa mère, elle perd après trois ans d’absence la citoyenneté américaine précédemment acquise. Elle publie un premier recueil de poèmes en 1939. De 1941 à 1944, elle survit dans le ghetto avec sa mère en se cachant. C’est là qu’elle fait la connaissance de Paul Antschel-Celan qui exercera sur sa poésie une grande influence. Après une étape à Bucarest, elle part aux États-Unis qu’elle quitte en 1957. Puis, après diverses étapes plus ou moins brèves en Europe, et quelques semaines passées en Israël, elle finit, en 1965, par s’installer à Düsseldorf. Elle a publié une œuvre considérable : plusieurs volumes de poèmes et des textes en prose, ces derniers souvent consacrés à Czernowitz.
Klara Blum, née le 27 novembre 1904 à Czernowitz, décédée le 4 mai 1971 à Guangzhou (Chine). Elle est la fille d’un grand propriétaire foncier, directeur de banque et l’un des neuf députés juifs au parlement galicien. Il a épousé une jeune femme de vingt-sept ans sa cadette qui, un jour, s’enfuit avec sa fille à Vienne. La vie dans la capitale austro-hongroise est difficile, d’autant que la mère et la fille doivent se cacher pour échapper au père qui les fait rechercher. Klara Blum commencera des études sans pouvoir les achever et devient journaliste dans la presse sociale-démocrate puis communiste. Lauréate d’un prix littéraire soviétique doté d’un séjour en résidence, elle s’installe en Union soviétique puis épouse un comédien chinois qui disparaît quelques mois après leur mariage. Croyant qu’il est reparti dans son pays sur ordre du Parti communiste chinois, elle part s’installer en Chine où elle pense le retrouver. En réalité, accusé de trotskisme, il a été arrêté et meurt en Sibérie en 1943, ce qu’elle ne découvrira que bien plus tard. Ses œuvres, romans, récits, poèmes, ont été d’abord édités en Union soviétique, puis en RDA. Une anthologie commentée a paru en 2001 simultanément en Autriche et en Allemagne.
Hedwig Brenner, née en 1918 à Czernowitz. Son père, avocat, meurt quand elle a dix ans. Sa mère et sa grand-mère s’occupent d’elle. Après des études d’histoire de l’art à Vienne et à Genève, elle doit, à cause de l’Anschluss, revenir à Czernowitz. Hedwig Langhaus épouse l’ingénieur des pétroles Gottfried Brenner qu’elle suit à Ploiesti. En 1940, alors qu’ils séjournent à Czernowitz, ils sont surpris par l’occupation soviétique. De 1941 à 1944, ils survivent dans le ghetto. De retour en Roumanie, elle obtient un diplôme de physiothérapeuthe. Le couple et leurs enfants émigrent en 1982 en Israël et s’installent à Haïfa.
Paul Celan, Paul Antschel, né le 23 novembre 1920 à Czernowitz, décédé le 20 (?) avril 1970 à Paris. Il grandit dans une famille aisée et cultivée. En 1938, les études médicales étant interdites aux Juifs, il se rend en France où il suit, à Tours, les cours de la première année de médecine, puis, devant la menace allemande, rentre en Roumanie. En 1942, craignant la déportation, il se cache dans une usine, tandis que ses parents qui n’ont pas voulu le suivre sont déportés en Transnistrie, où son père meurt du typhus, sa mère d’une balle dans la nuque. Le reste de sa vie Paul Celan portera la lourde culpabilité du survivant. La paix revenue, il vit à Bucarest en tant que lecteur d’édition et traducteur d’œuvres russes en roumain. En décembre 1947, il part pour Vienne, puis, en juillet 1948, s’installe à Paris, où il vit d’abord comme traducteur. En septembre 1959, il est nommé lecteur d’allemand à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort. Le 1er mai 1970, on retrouve son corps dans la Seine près de Courbevoie. Considéré comme un des poètes majeurs de langue allemande du XXe siècle, il est l’auteur de nombreux poèmes en grande partie traduits en français, dont le plus fameux de tous : « Fugue de la mort ».
Arnold Daghani, Arnold Korn, né le 22 février 1909 à Suczawa (Sueceava), décédé en 1985 à Hove près de Brighton. Il a grandi à Czernowitz. Dans la nuit du 7 juin 1942, Arnold Daghani et son épouse Anishoara font partie des quelques deux mille Juifs raflés et envoyés en wagons à bestiaux en Transnistrie, à Serebia, puis Ladijin et enfin à Mikhaïlovka. Fin 1943, il réussit à s’évader et se cache dans le ghetto de Bershad où, à partir des notes prises en anglais à Mikhaïlovka, il rédige un journal qu’il achèvera en 1944 à Bucarest. Il a vécu en Israël (1958 – 1959), en France (1960 – 1970), en Suisse (1970 – 1977) puis en Angleterre (1970 – 1985). L’université du Sussex dispose de six mille de ses œuvres graphiques et picturales.
Alfred Gong, Alfred Liquornik, né le 14 août 1920 à Czernowitz, décédé le 18 octobre 1981 à New York. Il fréquente le même lycée que Paul Celan et Immanuel Weissglas. En 1940, l’occupation soviétique provoque la fin de ses études universitaires. Ses parents et sa jeune sœur sont envoyés en Sibérie. Il survit au ghetto et échappe à la déportation en Transnistrie dans des conditions que l’on ignore. Après la guerre, il vit à Vienne, puis, en 1950, il part pour les États-Unis, où il exerce divers métiers occasionnels jusqu’à ce qu’il trouve, en 1966 un emploi stable dans un hôpital psychiatrique. L’œuvre de celui qui se qualifiait d’« écrivain de langue allemande en exil new-yorkais » est en grande partie posthume.
Bernhard Horowitz, né le 24 août 1907 à Czernowitz, décédé le 13 juillet 1991 à Cluj-Napoca (Klausenburg). Étudiant à la faculté de philosophie et de langues, il achève ses études en 1934 avec un diplôme de français, allemand et histoire (antiquité). En novembre 1941, il est déporté en Transnistrie en compagnie de sa femme et de sa belle-sœur Edith Pomeranz, de ses parents et des parents de celles-ci. Dans le ghetto de Bershad, au sud-ouest de Kiev, non loin de la frontière entre l’Ukraine et de la Moldavie, les trois jeunes gens écrivent des poèmes sur la vie dans ce ghetto, avant d’être séparés les uns des autres en 1944 : Bernhard Horowitz est envoyé dans un camp de travail soviétique, tandis que les deux femmes rentrent à Czernowitz. En 1946, le couple émigre en Roumanie.
Heinz Kehlmann, né le 14 janvier 1909 à Czernowitz, décédé à Vienne le 4 janvier 1979. Avocat, il épouse en 1940 Lilly Ausländer, peintre et graphiste, sœur de Ninon Ausländer, troisième épouse de Hermann Hesse. Après une existence précaire dans les conditions du ghetto, le couple réussit en 1944 à quitter Czernowitz, puis en 1948 la Roumanie. Accueillis par Ninon et Hermann Hesse en Suisse, où ils ne peuvent séjourner que quelques mois, ils s’établissent en France avant d’émigrer aux États-Unis. Lilly Kehlmann ne supportant pas la vie dans ce pays, après que Heinz a pris sa retraite de bibliothécaire en 1972, le couple rentre en Europe et s’établit à Vienne.
Alfred Kittner, né le 24 novembre 1906 à Czernowitz, décédé le 14 août 1991 à Düsseldorf. Comme un certain nombre de Czernowitziens, pendant la Première Guerre mondiale sa famille quitte Czernowitz pour Vienne. De retour à Czernowitz il doit abandonner ses études. Au service militaire, il souffre de l’antisémitisme d’officiers roumains. D’abord employé de banque, il entre ensuite dans le journalisme. Il publie son premier recueil de poèmes, Der Wolkenreiter [Le Cavalier des nuages] en 1938, au moment où le journal dans lequel il travaille ferme en raison de la politique antidémocratique et antisémite du Parti National-chrétien au pouvoir. Alfred Kittner et sa famille seront enfermés dans le ghetto puis déportés en Transnistrie. En 1944, il rentre à Czernowitz, puis, via la Pologne, gagne Bucarest où il trouve un emploi à la radio puis de bibliothécaire, avant d’être nommé directeur de la bibliothèque de l’Institut pour les relations culturelles à l’étranger. À partir de 1958, il se consacre essentiellement à l’écriture, à la traduction (d’auteurs roumains en allemand) et à l’édition. En 1980, après la mort de sa femme, participant à une rencontre littéraire en RFA, il s’installe à Düsseldorf.
Selma Meerbaum-Eisinger, née le 15 août 1924 à Cernowitz, décédée le 16 décembre 1942 dans le camp de Mikhaïlovka en Transnistrie. Fille et belle-fille de commerçants modestes, elle fréquente le lycée. Dans le ghetto, sa famille fait partie des gens obligés de vivre dehors faute d’avoir pu trouver place dans un appartement déjà surpeuplé. Un jour qu’elle a tenté de sortir provisoirement du ghetto, elle est reconnue en tant que juive et, poursuivie, se casse une jambe tout en réussissant tout de même à rejoindre ses parents. Suit la déportation en Transnistrie. Le peintre roumain Arnold Daghani, lui-même déporté, note dans son journal : « Selma Meerbaum-Eisinger (18 ans), décédée le 16.12.1942 à Mikhaïlovka – sa mère (madame Eisinger) exécutée le 10.12.1943 à Tarassivka – son beau-père (monsieur Eisinger) exécuté le 10.12.1943 à Tarassivka. »
Selma Meerbaum-Eisinger a écrit cinquante-deux poèmes personnels destinés à un jeune ami et cinq poèmes traduits du yiddish, du roumain et du français (dont deux poèmes de Verlaine) dans un cahier. Celui-ci ayant été retrouvé après des péripéties inimaginables, ces poèmes ont fini par être édités en 1980 en Allemagne.
Jacob Melzer, né en 1922 à Czernowitz. En 1941, il est déporté avec ses parents et son jeune frère en Transnistrie. Après la mort du père, la mère et ses deux fils survivent dans le ghetto de Shmerinka au sud-ouest de Kiev. Libérés, les deux frères s’engagent dans l’Armée Rouge et sont enrôlés dans une unité chargée de construire des aérodromes près du front. En mars 1946, les deux frères et leur mère quittent l’Union soviétique pour la Roumanie. Deux mois plus tard, réfugiés de guerre, ils arrivent en Yougoslavie, d’où, en juillet 1946, ils quittent clandestinement l’Europe pour la Palestine. Jacob Melzer participe à la guerre d’indépendance d’Israël, pendant laquelle il est blessé. Ingénieur-chimiste après des études à Haïfa, il travaille dans l’industrie de l’eau.
Moses Rosenkranz, Edmund, né le 20 juin 1904 à Berhometh (Berehomet), bourgade au sud-ouest de Czernowitz sur la rivière Sereth, décédé le 17 mai 2003 à Lenzkirch-Kappel en Forêt-Noire. Fils de paysans pauvres, il a grandi dans un univers totalement étranger à l’art et à la littérature, mais plurilingue, sa mère privilégiant cependant l’allemand. En 1916, l’adolescent décide de prendre « Moses » comme prénom pour marquer son opposition aux brimades qu’un enseignant fait subir à l’un de ses camarades, juif comme lui. Il quitte le lycée à quinze ans. Sa formation sera celle d’un autodidacte. Il exerce différents métiers et finit par gagner sa vie comme secrétaire d’un grand propriétaire, attaché littéraire à la cour. C’est là que Maria, la reine de Roumanie, le remarque et en fait le nègre de son autobiographie. En 1941, il est interné dans un camp avant de se réfugier à Bucarest. En 1947, il est arrêté en tant que délégué de la Croix-Rouge internationale par les services secrets soviétiques qui le condamnent à dix ans de goulag. Interdit de papier et de crayon, il apprend par cœur les poèmes qu’il compose et couchera sur le papier à son retour. Un nouveau procès politique le pousse à émigrer en RFA en 1961.
Dorothea Sella, née le 23 novembre 1919 à Czernowitz, où elle étudie la philosophie et l’histoire de la littérature, études que, de 1941 à 1945, elle poursuit en Russie. Elle soutient une thèse en 1947 à Bucarest, puis émigre en 1964 avec son mari et ses deux fils en Israël.
Ilana Shmueli, née le 7 mars 1924 à Czernowitz, décédée le 11 novembre 2011 à Jérusalem. Son père dirigeait une fabrique de meubles. Elle fréquente le lycée. Alors que chez elle on ne parlait que l’allemand, sous l’occupation soviétique, elle choisit le lycée où l’on enseigne le yiddish, langue qu’elle découvre grâce à un professeur enthousiaste. Elle commence à jouer du violon. Pour des raisons, disait-elle, incompréhensibles, sa famille peut rester à Czernowitz où elle retrouve en se cachant Rose Ausländer et Paul Antschel. En mars 1944, elle quitte clandestinement la Bucovine pour gagner la Palestine, où elle étudiera les pédagogies musicale et sociale. Entre 1965 elle rencontre Paul Celan à Paris, et de cette rencontre naîtra une abondante correspondance contenant les derniers poèmes de l’écrivain. Sous l’influence de celui-ci Ilana Shmueli va écrire, elle aussi, des poèmes.
Edith Silbermann, Edith Horowitz, née en 1921 à Czernowitz, décédée en 2008 à Düsseldorf. Enfant d’une famille juive aisée et cultivée, elle recevait son ami d’enfance, Paul Antschel-Celan, dans la riche bibliothèque de son père. Le jeune lycéen, avide de lectures, y composa plusieurs de ses premiers poèmes. Elle se distinguera en tant que traductrice de l’œuvre littéraire de Mircea Eliade en allemand.
Immanuel Weissglas, né le 14 mars 1920 à Czernowitz, décédé le 28 mai 1979. Doué pour les langues et la musique, il quitte le lycée sans avoir obtenu son baccalauréat. De 1941 à 1944, il subit le ghetto et la déportation en Transnistrie en compagnie de ses parents. En 1945, il se réfugie à Bucarest où il travaille successivement comme pianiste dans un théâtre juif, archiviste, rédacteur d’un quotidien. Mais surtout, il traduit des classiques allemands en roumain et des auteurs contemporains roumains en allemand, et écrit des poèmes.
Isak Weissglas, père d’Immanuel Weissglas, avocat.
Manfred Winkler, né le 27 octobre 1922 à Putilla (Putyla), bourgade au sud-ouest de Czernowitz sur la rivière éponyme. Sa famille, aisée – son père est avocat – s’installe de 1930 à 1932 à Czernowitz, puis retourne à Putilla. Manfred Winkler entreprend ensuite des études dans la ville universitaire. Le 10 juin 1941, sa famille est victime des rafles soviétiques et envoyée en Sibérie. Il est déporté quelques mois plus tard par les Roumains en Transnistrie. Revenu à Czernowitz en 1944, il s’installe dans le Banat à Timishoara. Il quitte la Roumanie en 1959 et s’installe à Jérusalem, où il devient directeur des archives Theodor Herzl. À partir de 1981, il se consacre pleinement à l’écriture, la sculpture et la traduction.