Ce n’est pas demain la veille que l’on verra soudain Baudouin de Bodinat « en une » de Match, devisant pour les lecteurs avec un hologramme de José Bové. Mais qui sait, après tout ? Ce Savonarole de province, de lointain cousinage avec les « situs » de la première heure, écrit parfois des ouvrages du genre de celui qui paraît aujourd’hui aux Éditions Fario. En attendant la fin du monde, écrit à la plume d’oie macérée dans l’alcool (cinq ans minimum), fait suite au précédent : Au fond de la couche gazeuse, lequel faisait suite à La vie sur terre, dont le titre résume tout. Il se pourrait bien, un de ces jours, que l’on s’avise qu’il y a là un bonhomme qui a quelque chose à dire. Nous sommes en présence d’un individu qui ne comprend pas pourquoi le temps ne sort pas de ses gonds, à force de sottise et de cupidité. Dieu lui-même, aux premiers temps de la Genèse n’avait pu retenir une moue de dégoût devant le comportement des créatures humaines lâchées en pleine nature. Les siècles ont passé là-dessus et l’observation du philosophe Lamarck – cité par l’auteur – n’a jamais été aussi juste : « On dirait que l’homme est destiné à s’exterminer lui-même après avoir rendu le globe inhabitable. » Comprenne qui pourra cette façon d’aller au pire, irrésistiblement. Il faut croire, cependant, qu’il y a de la résistance et ce livre le prouve, tant le ton de Bodinat excelle dans l’ironie peu portée au sermon. Ce livre est à la fois implacable et sourdement ému de son sort d’être humain. On sent chez lui une mélancolie pour les temps enfuis où il y avait encore des « destins ». On dirait qu’un vieux lion veille à la porte de cet apocalypticien, comme jadis au désert avec les grands ascètes. La nature humaine s’en moque, elle a plus drôle dans ses cartons. Et Bodinat d’ajouter : « Et elle n’y peut rien si l’heure a ainsi sonné pour elle de se connaître et de se juger. » Comme naguère Cioran ricanait du fond de son Voltaire dépenaillé, Bodinat traite le monde à la manière du photographe Eugène Atget auquel il a déjà consacré un ouvrage, Eugène Atget, poète matérialiste. On peut gager sans risque que l’auteur accepterait ce patronage. Il y a d’ailleurs onze photographies de Bodinat dans ce livre aux dernières lignes si étrangement bouleversantes : « Nous n’avons obtenu qu’une faible partie des bonheurs pour lesquels nous étions nés. » C’est dire que l’ascète reclus a encore une petite faim de beauté. Une fringale, même.
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En attendant la fin du monde
Il y a ce que l’on constate, ces pôles qui fondent et ces vents d’une violence inconnue, cette vie dont le nombre des espèces si rapidement