L’auteur des Évaporés (Flammarion) a lu À des années-lumière (Fario), de Marcel Cohen.
« Il faut lire Marcel Cohen aujourd’hui. Non seulement pour le très beau livre qui vient d’être primé, mais encore pour cet ouvrage plus discret qui parut aussi en 2013 : À des années-lumière. Soixante-douze pages d’une écriture limpide pour exprimer à la fois les horreurs du siècle passé et une foi inébranlable dans les pouvoirs et la mission de la littérature. Tout, dans ce petit livre au propos extrêmement clair et circonstancié, nous exhorte à la lucidité. C’est que les grands témoins du naufrage de l’humanité au XXe siècle n’ont pas fini de nous témoigner leur colère et leur indignation devant la mécanisation et la déshumanisation du monde. D’Auschwitz aux licenciements massifs de l’économie modélisée par ordinateur, de la Shoah par balles aux calculs cyniques d’armateurs esclavagistes, du Chemin des Dames aux conflits contemporains dans lesquels quatre victimes sur cinq sont des civils, Marcel Cohen dresse le portrait sans concession d’une logique moderne implacable qui a délaissé l’humanisme et ne peut plus qu’écraser l’humain. Refusant le nihilisme servile qui pourrait naître de ce constat, il y fonde le ferment d’une nouvelle et nécessaire solidarité. L’artiste y redevient cet homme qui, par son style, parce que le style est ce qui informe en donnant forme au chaos, nous rappelle sans cesse à cette exigence de lucidité qui fait de l’art une éthique. Cette proposition courageuse est bien la seule aujourd’hui qui redonne sens au geste d’écrire. Et c’est pourquoi ce petit livre est urgent, indispensable. »