Avec ce ton inimitable, son exigence et sa singularité, Fernand Deligny parle ici de la mémoire, de la sienne comme d’une autre, de ce qui la constitue, de ce qui en elle est récent ou plus lointain, faut-il dire animal, ou d’espèce ? Cette recherche, sans renier une dimension spéculative passe par un réseau de souvenirs vivants que toujours un détail peut faire rebondir en un éclair par delà des années.
La guerre, l’enfance, les engagés dans la guerre d’Espagne, l’asile encore et toujours, sont les temps ou les lieux qui font ici surface chez un homme qui ne cherche pas la confidence ni l’élégie.
A l’exception de sa parution en revue ce texte est inédit.
Il a été écrit en 1985 et 86.
Ce que je voyais, ce fronton délabré, la cage
monumentale surmontée d’un dôme, ces quelques
mains toutes petites alors que les autres étaient
cachées vers les ventres en quête de chaleur, des
yeux si noirs qu’ils scintillaient, ce que j’étais obligé
de voir me navrait ; j’étais abasourdi de honte et de
colère ; impossible, tout à l’heure, de raconter à quiconque
; tout ce qui me serait dit serait une tentative
de réconciliation alors que je savais la rupture
irréparable.Voilà ce qu’on venait voir dans le hourvari, les
cris, les lumières. On ; j’ai pensé on ; comme on
apprend le nom de l’inéluctable.
Tirage limité à 750 exemplaires.