Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

J’ai voulu pêcher des étoiles

Letras

Francisco Moreno Galván

Traduit de l'espagnol
par Serge Airoldi

Le chant, ce genre à la racine de la musique et de la poésie, qui les précède et les annonce, retrouve sa vitalité dans les rythmes du flamenco, du cante jondo. L’alliance entre ces deux arts dépend de la scène, des regards des musiciens, des pleurs de la guitare, de la communauté d’où elle émane, des drames quotidiens du village ou des plaintes profondes du cantaor. C’est un chant qui se danse, aussi, qui se performe et s’écrit dans l’évènement. 

Comment donc traduire, lire le flamenco ? Peut-il devenir poésie, parole qui porte du sens dans le silence de la lecture ? Poète et peintre, parolier, Francisco Moreno Galván a participé de l’histoire du flamenco en composant un ensemble de letras nées avant la musique, des chants qui invitent à être chantés. « Un auteur de letras flamencas n’est pas un poète. Il les chante en silence lorsqu’il les crée, lorsqu’il y pense » , propose Juan Diego Martín Cabeza, neveu de Moreno Galván, dans son introduction à ce volume. 

Nous avons voulu, ici, proposer au lecteur francophone une sélection de ces letras de l’auteur espagnol, en édition bilingue, où l’on devine à la fois l’héritage de la tradition et le renouveau du genre à la lumière du vingtième siècle. Ainsi, le communisme populaire et solidaire de Moreno Galván, son opposition au franquisme, sa philosophie ne trahissent pas les motifs quotidiens qui sont le noyau du flamenco. 

On peut également découvrir la précision poétique, la limpidité des images, le silence d’où naît, aussi, le chant. Traduites et présentées par Serge Airoldi, ces letras constituent un témoignage précieux du cante jondo et participent du questionnement sur les limes de chaque art.