Nous avons la grande tristesse de vous annoncer le décès, ce lundi 30 septembre au matin, de Jacques Réda. Notre chemin commun avait débuté dans les années quatre-vingt lorsque nous l’avions accueilli au sommaire de la revue Théodore Balmoral puis dans les années deux mille dans celui de la revue Fario. Il nous avait témoigné sa confiance en nous permettant de publier trois de ses derniers livres. Nous perdons non seulement un immense écrivain mais un ami proche que nous continuerons d’aimer.
Th.B., V.P. & S.Z.
Invocation
Le grain encore actif sous la terre, c’est vous,
Pères — je ne crois pas qu’un jour il ressuscite,
Mais il vit et nourrit la présence du site
Comme quand raisonnaient sur les routes, les clous
De vos sabots, vos voix rocailleuses aux pentes
Des vignes, et le soir à l’ombre des tilleuls.
Les vivants et les morts sont également seuls,
Nous encore leurrés par les enveloppantes
Beautés de la terre et du ciel, tandis que vos
Os nagent dans la nuit qui n’aura pas d’issue.
Nous demeurons pourtant mêlés dans l’étendue
Des collines et des chemins restés nouveaux.
À vous le long silence ; à nous la courte flamme
Avant de vous rejoindre au cœur de l’indistinct,
Semence obscure dont la force du matin
Sur la vigueur du sol commun reçoit une âme.
Jacques Réda, « Suite bourguignonne », Lettre sur l’univers et autres discours en vers français, Gallimard, 1991.