Nous devrions peut-être nous engager dans la moindre marche avec un esprit d’éternelle aventure sans retour – prêts à renvoyer nos cœurs embaumés comme des reliques vers nos royaumes affligés.

Henry David Thoreau

J.R.

Nous avons la grande tristesse de vous annoncer le décès, ce lundi 30 septembre au matin, de Jacques Réda. Notre chemin commun avait débuté dans les années quatre-vingt lorsque nous l’avions accueilli au sommaire de la revue Théodore Balmoral puis dans les années deux mille dans celui de la revue Fario. Il nous avait témoigné sa confiance en nous permettant de publier trois de ses derniers livres. Nous perdons non seulement un immense écrivain mais un ami proche que nous continuerons d’aimer.

Th.B., V.P. & S.Z.

Invocation

Le grain encore actif sous la terre, c’est vous,

Pères — je ne crois pas qu’un jour il ressuscite,

Mais il vit et nourrit la présence du site

Comme quand raisonnaient sur les routes, les clous

De vos sabots, vos voix rocailleuses aux pentes

Des vignes, et le soir à l’ombre des tilleuls.

Les vivants et les morts sont également seuls,

Nous encore leurrés par les enveloppantes

Beautés de la terre et du ciel, tandis que vos

Os nagent dans la nuit qui n’aura pas d’issue.

Nous demeurons pourtant mêlés dans l’étendue

Des collines et des chemins restés nouveaux.

À vous le long silence ; à nous la courte flamme

Avant de vous rejoindre au cœur de l’indistinct,

Semence obscure dont la force du matin

Sur la vigueur du sol commun reçoit une âme.

Jacques Réda, « Suite bourguignonne », Lettre sur l’univers et autres discours en vers français, Gallimard, 1991.