Ces titres de Mary-Laure Zoss ! Ici : portant bas nos ombres ; hier : seul en son bois, dressé noir ; ceux-là qu’on maudit ; d’ici qu’à sa perte ; au soleil, haine rouée. Tout un monde donné. Les livres sont là sur ma table, tous beaux, sobres, peu épais, mais si denses. Denses de ce poids du monde pour tous ces « gens de fêlures, enfoncés, voués aux arrière-cours, aux pluies battantes. »
Ici ‑cela me semble moins fréquent chez mary laure zoss, si apte à peindre la campagne désolée, le bois mort, la boue, les terres détrempées‑, ici nous sommes dans un univers urbain et tout tourne autour de ceux que nous ne regardons pas, plus ou jamais. Elle ne les nomme pas et surtout pas avec l’un de ces affreux acronymes qui portent en eux une terrible dépersonnalisation.
« casés là, qui nous voit, l’âme en friche, ressasser où s’anémie la lumière, fouillant culs-de-sac et angles morts, tandis que nos paroles vont par le fond ».
Pas tout à fait est-on tenté d’écrire, puisqu’ici quelqu’un les voit, quelqu’un écoute ce que disent ces corps qui portent si bas leur ombre, manière stupéfiante de dire qu’ils sont, à tous points de vue, par terre. Tentant d’« échapper à l’obscurité qui coagule dans les artères », « établis à demeure dans le crachin de l’âme ». Ne dit-on pas laissés pour compte ?
« vaguant sur le bas-côté, vaguant, trimballant nos marasmes, si encore on pouvait. inconsolables rentrer sous terre. »
Les phrases sont courtes. Brèves, denses, elles nous percutent. Pas une seule majuscule, nulle part (mary-laure zoss les récuse aussi pour son propre nom). Une phrase à l’os, qui n’enjolive pas. Qui dit. Eux parlent de « la phrase [qui] se chiffonne, rare qu’on arrive au bout ». Perte même des mots, puisque sans destinataires. « quoi qu’on fasse, n’est-ce pas, plus bas que terre. et la voix qui s’incarcère à force ».

